D’après un constat dressé par Focus Actualité sur le terrain, l’écart d’accès à l’électricité entre Gemena, chef-lieu du Sud-Ubangi, et Libenge, chef-lieu du territoire portant le même nom, met en lumière l’incapacité persistante de la Société Nationale d’Électricité (SNEL) à assurer une fourniture énergétique stable, équitable et conforme aux besoins des zones administratives majeures de la province.
À Libenge, cité située à 180 kilomètres de Gemena et frontalière à la République centrafricaine et à la République du Congo (Brazzaville), la fourniture électrique apparaît relativement régulière dans les 13 quartiers, bien qu’elle reste limitée dans le temps.
Selon les témoignages recueillis par Focus Actualité, le courant alimente les ménages entre 9 h et 12 h, parfois prolongé jusqu’à 16 h.
Le soir, l’électricité revient généralement entre 17 h 30 et 22 h, et peut même être maintenue jusqu’à 2 h du matin lorsque les autorités provinciales ou nationales sont en visite, ou lors des cultes dominicaux.
Cette flexibilité fonctionnelle, bien que perfectible, garantit un minimum d’éclairage et permet la continuité des activités domestiques et communautaires, améliorant sensiblement la qualité de vie locale.
À l’inverse, Gemena, centre administratif, politique et économique de la province, demeure plongée dans une obscurité quasi permanente.
Selon les observations recueillies, le courant n’arrive que sporadiquement dans certaines zones du centre-ville, souvent entre 9 h et 12 h en journée.
Le soir, l’alimentation oscille difficilement entre 18 h et 21 h, avec des coupures massives, répétitives et prolongées.
En dehors de ces courtes plages horaires, la ville reste entièrement privée d’électricité, une situation qui affecte lourdement les ménages, les commerces, les boulangeries, les petites entreprises, les structures sanitaires, les écoles ainsi que les services administratifs essentiels, paralysant l’ensemble de la vie socio-économique.
Ce contraste représente une humiliation pour Gemena, car un chef-lieu provincial siège du gouvernorat, des ministères provinciaux, des services déconcentrés et des institutions stratégiques devrait logiquement bénéficier d’une priorité absolue en termes d’infrastructures et de services publics.
L’incohérence institutionnelle est flagrante lorsque Libenge, cité périphérique, bénéficie d’un service plus efficace que le centre névralgique de la province.
Cette situation crée un profond sentiment d’injustice territoriale et fragilise le développement local puisque l’absence d’énergie stable entrave les entreprises, les structures éducatives et sanitaires, ainsi que l’administration publique.
Beaucoup d’habitants interrogés confient percevoir cette situation comme une forme de mépris institutionnel, qui entame la confiance envers la SNEL et les autorités compétentes. Comme l’a exprimé un habitant rencontré :
« Comment comprendre que le chef-lieu vive dans le noir pendant que Libenge, pourtant plus éloignée et moins stratégique, a de la lumière presque tous les jours ? C’est incompréhensible et humiliant. »
Ce constat établi par Focus Actualité constitue un véritable signal d’alarme.
Il apparaît urgent que la SNEL relance un programme de réhabilitation et de stabilisation du réseau électrique à Gemena avec des priorités clairement définies pour le chef-lieu provincial.
Les autorités provinciales et nationales sont également appelées à assurer un suivi rigoureux de la distribution de l’électricité, afin de garantir une équité réelle entre les territoires.
De plus, des investissements dans des solutions alternatives telles que les micro-réseaux ou les parcs solaires devraient être considérés pour stabiliser durablement l’alimentation électrique dans les zones les plus touchées.
Au-delà de la dimension technique, la fracture énergétique entre Libenge et Gemena symbolise une inégalité territoriale profonde et une négligence institutionnelle difficilement justifiable.
Tant que cette situation perdurera, le chef-lieu du Sud-Ubangi restera dans l’ombre, au propre comme au figuré, tandis que sa population continuera de subir les conséquences d’un service essentiel défaillant.
Blaise Abita Etambe

