En République Démocratique du Congo, la technologie censée réduire la fracture numérique devient paradoxalement un nouvel atout pour la guerre.
Selon une enquête de Radio France Internationale (RFI), plusieurs groupes armés opérant dans l’Est du pays utiliseraient le réseau satellitaire Starlink, conçu par l’entreprise américaine SpaceX, pour organiser leurs opérations militaires à l’abri des coupures de communication imposées dans certaines zones de conflit.
Starlink, qui offre un accès internet haut débit par satellite, ne dépend pas des infrastructures locales souvent absentes ou sabotées dans les zones d’insécurité. Avec une simple antenne, des batteries et un ciel dégagé, la connexion reste stable, même au cœur des forêts denses de l’Ituri, du Nord-Kivu ou du Sud-Kivu.
Un avantage décisif que des groupes armés exploiteraient pour contourner la surveillance des forces congolaises et internationales.
Selon les sources citées par RFI, des dispositifs Starlink auraient été repérés entre les mains du M23, mais également d’autres milices locales. Leur utilisation permettrait de maintenir des communications cryptées et continues entre différents commandements sur le terrain, de planifier des offensives et de recevoir des instructions extérieures, parfois depuis des pays voisins.
Cette révélation suscite de vives préoccupations sécuritaires. Contrairement aux réseaux de télécommunication classiques, Starlink échappe totalement au contrôle des autorités congolaises. Les services de renseignement, déjà fragilisés, se disent débordés par cette nouvelle forme de « guerre numérique », difficile à intercepter ou à neutraliser sans la coopération directe du fournisseur.
Face à cette menace, le gouvernement congolais affirme avoir saisi les autorités américaines pour envisager des modalités de régulation de l’accès à Starlink sur son territoire. Des mesures restrictives ciblées sont évoquées, mais leur mise en œuvre demeure encore incertaine.
En parallèle, plusieurs ONG appellent à une régulation équilibrée, soulignant le double usage de cette technologie : d’une part, elle sert les civils dans des zones enclavées, offrant un accès inédit à l’information et aux services numériques ; d’autre part, elle renforce la capacité opérationnelle des groupes armés.
La militarisation de l’internet illustre une fois de plus que chaque innovation technologique peut devenir une arme, selon l’usage qu’on en fait.
Blaise ABITA ETAMBE
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