Kinshasa, 10 décembre 2025 devant le Congrès réuni au Palais du Peuple, le président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo a livré un discours ambitieux, mêlant paix, infrastructures et diplomatie. À trois ans de la fin de son mandat, ses annonces suscitent autant d’espoir que de scepticisme.
Connu pour son éloquence et sa capacité à galvaniser les foules, le Chef de l’État n’a jamais manqué une occasion de séduire par la parole.
Pourtant, alors que le pays rêve encore de cette « Allemagne d’Afrique » jadis promise, le fossé entre la rhétorique présidentielle et la réalité quotidienne semble se creuser inexorablement.
À trois ans de la fin de son second mandat, l’exercice du 8 décembre 2025 devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès avait des allures de campagne électorale anticipée.
Du haut de la tribune du Palais du Peuple, le Chef de l’État a livré une nouvelle salve de projets à court et long terme. Mais dans un pays miné par une guerre d’agression persistante et une pauvreté endémique, la magie du verbe suffit-elle encore ?
L’un des points d’orgue du discours fut l’annonce spectaculaire sur les infrastructures routières.
« Pour l’année 2025, le gouvernement s’est engagé à réhabiliter 380.000 km de routes de desserte agricole », a martelé le Président.
Une promesse gargantuesque qui s’est immédiatement heurtée à la réalité du terrain.
La réaction s’est faite attendre, notamment dans le Sud-Ubangi, où un notable de Gemena a vivement démenti cette vision idyllique, pointant du doigt l’état de délabrement avancé des infrastructures locales :
« Notre province, jadis dominée par des routes de desserte agricole de premier plan, est aujourd’hui isolée. Elles sont totalement délabrées, rendant impraticables certains axes, notamment vers Dongo, Libenge, Budjala et consorts. Aucun projet de construction n’est visible, rendant impossible l’acheminement de nos produits. Où le gouvernement a-t-il affecté ces fonds pour 2025 ? »
Sur le plan sécuritaire et diplomatique, Félix Tshisekedi tente de rassurer une opinion publique méfiante.
Il affirme que l’accord controversé signé avec le Rwanda « ne porte aucune atteinte à la souveraineté de la RDC ».
Les points clés de sa défense sont les suivants :
intégrité territoriale, pas de cession de territoire ni de bradage des ressources ; justice, pas d’amnistie automatique, la justice continuera de s’appliquer même pour les crimes commis pendant les conflits ; vigilance, des mécanismes de sanction sont prévus en cas de manquement de la partie adverse.
« Le retour de la paix et de la stabilité dans l’Est de la RDC reste soumis à la coopération des acteurs internes et externes — l’accord seul ne garantit pas automatiquement l’arrêt des violences. »
Pour tenter de relancer la machine économique, le Chef de l’État a sorti son carnet de chèques politique avec une série de promesses alléchantes pour 2026 :
modernisation des aéroports de Moanda, Gemena, Kikwit, Bumba, Lisala, Kolwezi, Bunia, Kananga, Kalemie, Lubumbashi et Kinshasa-Ndjili ; réhabilitation de 3.735 km de corridors routiers pour recréer une unité nationale physique.
Si la volonté de bien faire de Félix Tshisekedi ne semble pas remise en cause verbalement, c’est la méthode et l’exécution qui divisent.
Pour ses partisans, ce discours témoigne d’une bravoure diplomatique et d’une vision claire pour le redressement du pays malgré des défis titanesques.
Pour les observateurs critiques, le temps n’est plus aux discours flatteurs. Les promesses hypothétiques, souvent perçues comme déconnectées des souffrances réelles – insécurité, pouvoir d’achat – risquent d’éroder davantage la confiance citoyenne.
Les engagements en matière de justice et de gouvernance, bien que louables sur le papier, devront s’accompagner d’actes forts : un renforcement réel des institutions judiciaires et une lutte implacable contre la corruption.
Sans cela, le discours du 8 décembre 2025 restera dans les annales comme une liste de vœux pieux, et non comme le tournant décisif espéré par la nation.
Nestard Essele
